Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
le blog de marcel tauleigne
27 février 2016

(c) Thonon-Trieste en cyclo-camping.

Quand le plaisir est au bout de l'effort.

                       

numérisation0006-copie-1



                      Vu d’en bas, le Stelvio s’affichait comme une citadelle. Comme un fort qui voudrait en défendre son accès à tous les prédateurs. L’inclinaison de la route faisait office d'un rempart symbolique de nature à vouloir décourager le plus vaillant des cyclos. Elle était une annonce du prix à payer pour avoir le privilège d’en fouler la cime. Au regard, et à qui côtoie son pied, l’image d’une mise-en-garde vous était lancée,là, comme un défi.

       Certes, si pour moi, comme pour celui de mes camarades, le chemin fut long et la bataille rude, j’en garde ce souvenir impérissable que je ne cesse de vouloir raconter.

      J’avançais le nez en l'air, à l’inverse de celui qui ne serait là que pour le chronomètre. Je le  voulais pour moi le Stelvio, mais sans pour autant me priver de sa beauté. Celle que seul un regard gourmand peut en retenir les images, en repirer les senteurs. Je  regardais autour de moi pour y puiser mes ressources. Pour y alimenter ma motivation que je vivais dans un plaisir indescriptible. Où il m'était permis de communier avec ce monde fait de brume, d'eau, de soleil et de roche.

       Une fois engagé sur sa route, la relation avec l'environnement des lieux s'est faite accueillante, amicale. Pas d’hostilité entre la montagne et moi. Plus aucune appréhension n'est venue me tourmenter. Je me savais accueilli. Je me sentais en terrain de connaissance, accepté comme peut l'être un invité qui se voit offrir un cadeau. Mon esprit alimentait, avec elle, les répliques d'un dialogue. Où s'imaginaient, s'inventaient les termes d’un pacte de non agressivité. J’étais en accord avec tout ce qui fait que l’on se sent heureux, sans toutefois en trouver les mots précis pour expliquer l'extase qui m'envahissait au fil de l'effort. Serein, à présent tout mon Être s’employait à escalader mètre après mètre la pente qui m’élevait vers mon objectif. Alchimie mystérieuse que cet accord qui s’instaure entre l’effort à fournir, la souffrance qui en découle et la vivance d’un plaisir dont la nature échappe à toute rationalité.

       Plaisir : Comment définir ce mot alors qu'il fut obtenu au prix d’un effort gratuit, non productif de surcroît et qui n’a de but quantifiable que pour celui qui y trouve un intérêt. La récompense s'y rattachant est celle que l’on s’accorde, que l’on idéalise à la fois grande et fragile. Certains de ces plaisirs seront éphémères, alors que d’autres continueront à habiter notre grange à souvenirs. Je peux comprendre que cette représentation du plaisir, sa qualification en tant que telle, puisse paraître suspecte, bizarre au regard des contemplatifs !

     Il a été dit par un philosophe, dont le nom m'échappe, que l’Être vivant n'a de cesse de vouloir se créer des besoins. Le plaisir répond à cette nécessité de désirs. Sa quête l'entraîne alors à naviguer sur tous les horizons. Celui que l’on tente d’obtenir au bout de l’effort n’a pas à être justifié, pas plus qu'il n’a à être compris par ceux qui ne peuvent adhérer à ce type de satisfaction. Pour ma part, déjà, à l’élaboration du projet, je vivais par anticipation. le bonheur de rouler sur ces pentes. Je gravissais, dans l’ombre des forçats de la route ces cols mythiques dont les histoires racontées dans le Miroir du Cyclisme fin 1940 m'avaient, précédemment, servis de sujets pour certaines de mes rédactions rédigées sur les bancs de mon école. 

       Bernard et moi en avions fini depuis un temps, qui pour nous ne comptait plus. Le spectacle que nous offrait la montagne, idéalisé par notre volonté conquérante, en avait estompé la durée au point de ne plus savoir ce qui s’en était écoulé.

     C’est en ordre dispersé que le reste du groupe nous a rejoint. Le rassemblement est à présent au complet. La descente sur Prato-Allo-Stelvio, notre point étape, est la plus spectaculaire qu'il m’a été donné l’occasion de faire à ce jour. Sur une vingtaine de kilomètres, des virages en lacés, liés, imbriqués les uns dans les autres, dénouent sous nos yeux les fils d’un labyrinthe conduisant dans la vallée.

 

 numérisation0006-copie-2

 

              Il n’y a pas eu de bobo, pas d’incident durant la journée. Seulement de la fatigue. De celle dont on ne se plaint pas car elle est convertie en une charge positive dés le poteau franchie. Elle devient le témoin d’un ressenti qui déleste tout l’Être de ce qu'il a dû vivre dans une difficulté comprise et acceptée. Cette fatigue n’est pas douloureuse lorsque elle nous a conduit au bout du challenge que l'on voulait relever.

 

De tour en détours.

 

                                         Depuis notre départ de Thonon les Bains, nous avons fait une première entrée en Suisse pas le Pas de Morgin puis, nous en sommes sortis après le col du Simplon aux alentours de Gondo, pour renter en Italie. Notre itinéraire nous entraîne en direction de Ponté di Grivola et ce jusqu’à Piaggio di Valmara. Nouvelle incursion en pays Helvétique par Locarno et le Splugenpass. Court retour chez les transalpins pour nous faire traverser Chavanna. Dans le souci de ne pas nous faire rater de cols, le Sieur Rossini, je le cite pour rappel, car c’est lui le concepteur de ce raid cyclo-montagnard, nous dirige vers la Suisse par Castaségna. La bascule définitive sur le sol Italien se fera par la Forcola di Livigno. Italie que nous ne quitterons plus jusqu’à la fin de notre voyage.

 

20 Juillet...En direction des Dolomites.

 

                                                                                                                                                                numérisation0007-copie-2

 

 

 

 

                              Le village où nous avons passé la nuit se trouve en zone semi-montagneuse. Il est amarré au flanc nord de la partie basse du Stelvio. Du coin où j’ai planté ma toile de tente, son sommet se devine. Ce matin, des nuages en coiffent la tête.

        Le départ est matinal. L’étape, quoique longue, est qualifiée de transition par Hubert !. Le début est en pente favorable. La descente d’hier soir a gardé de sa pente une réserve de quelques centaines de mètres d’une douce dénivelée. Le terrain, propice à l’échauffement, fut salutaire à notre musculature fortement mise à contribution la veille. Nous fûmes bien inspirés de démarrer prudemment, car la route que nous découvrons au terme des kilomètres, se remet à monter pour atteindre Le Passo Di Palade. Dans l’ascension, Hubert sort ce qu'il croit être ses braquets des bons jours pour obliger Bernard à se donner à fond. Exigence de revers ou d'humour de circonstance, l’intrépide se disant fair-play, abandonne la lutte pour se laisser glisser à l’arrière et finir avec Gérard !

     Au sommet du col, le gardien du refuge-restaurant nous sert un copieux repas. Bernard, heureux de sa victoire arrose de plusieurs chopes de bière les pois rouges qu'il vient de grappiller pour la reconquête de son maillot de meilleur grimpeur. Dans la descente, il suit Pierrot la tête dans le guidon. Excités à l’idée de nous jouer un mauvais tour en nous distançant, ils manquent l’embranchement de la route qui conduit à la Passe de la Mandola, le second col de la journée. Là, pour le coup, et pour une question de navigation, les plus rapides ne seront pas les premiers au sommet!




 numérisation0001-copie-4

 

                  Bolzano : La signalisation nous pose un problème. Nous ne trouvons pas le panneau qui doit nous indiquer Suisi. Enfin, la bonne route se dessine sous nos yeux. Route sur laquelle se produira un incident, certes sans gravité, mais qui m’oblige à vous apporter une précision!



numérisation0004-copie-1

Comment, ainsi ficelés,  ne pas perdre......ses bagages...

 

                  En fait, depuis le départ, seulement quatre d’entre nous voyageons en totale autonomie, ce qui n’est pas le cas de Gérard et Hubert qui se partagent une toile de tente. Sans doute mal ficelés sur son porte-bagages arrière, le passage de son vélo dans un nid de poule, et voilà que Gérard en a perdu les piquets sur la chaussée. Un camion arrive, branle bas pour un signalement d’urgence. Il est à quelques centaines de mètres. Il va, à n’en pas douter, écraser le matériel qui fera de nos camarades des Sans-logis pour le restant des nuits à passer d’ici à Trieste.

        Le chauffeur, ayant évalué la situation et sans doute apprécié le coté comique de notre agitation, est venu, par jeu, immobiliser les roues de son camion à moins d’un mètre du matériel de charpente de la guitoune. L’essentiel vient d’être sauvé. Échange amical avec le conducteur du véhicule qui, visiblement, s’est amusé à nous faire peur. Ouf de soulagement, pour ne pas avoir à accueillir des naufragés sous notre habitat dès le soir venu !

 

numérisation0003-copie-3

Le chargement de nos vélos rend dubitatif cet Italien quant à notre capacité à pouvoir, ainsi lestés,.......franchir les Dolomites!



      La fin d’étape est difficile, les sept derniers kilomètres accusent une forte pente et un soleil de plomb annonce un orage qui ne saurait tarder. Alors que les Bernard, Pierrot et les autres sont à la recherche d'un camping, Georges et moi avons repéré un panneau annonçant ''pensioné di famiglia" . Le ciel ne laissant rien présager de bon pour la nuit, un toit et le confort d’un vrai lit ont eu raison de notre faiblesse à ne pas vouloir subir les caprices du temps.

      Demain sera un autre jour, notre carnet de route , nous l’imaginons, saura nous entraîner sur de nouveaux terrains d’aventures dont les histoires nourrirons les lignes du prochain épisode.

 

numérisation0002-copie-3

 

 

__________________________________

 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
le blog de marcel tauleigne
  • Il s'agit d'un blog dont l'objectif sera de présenter mes occupations de loisir. Mon travail d'écriture, ma peinture, ainsi que ma passion pour le sport en particulier. Ce blog peut être mis au regard et lu par toutes les personnes, sans limite d'âge.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité