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le blog de marcel tauleigne
14 février 2016

À chacun son ardéchoise. (c)

Randonnée sentimentale.

 

Loubaresse . Son clocher.

Le clocher de Loubaresse.

 

                  Je vous vois venir vous qui lisez mon titre l’œil en coin. Vous espérez sans doute y trouver quelques aveux ou autres confidences. Non, il n’y aura pas de coquinerie dans ce que je vais vous raconter. Il s’agit tout bonnement de retracer pour vous l’Ardéchoise que je fais mienne. Mon Ardéchoise à moi.

       Douze degrés au thermomètre, des manchettes sont à rajouter à mon maillot d’été. Partis ce 17 août de Jaujac avec mon ami Rémy du club de Rognonas dont je suis l’un des sympathisants, nous voila d’entrée dans le col de la Croix de Millet à la recherche du bon braquet.

 

 Rando du 17 aout2012 avec Rémy . L 005-copie-1

 

                      Nous démarrons à froid une côte de six kilomètres ce qui nous amène à rester prudents quant à l’allure à adopter. Dans ces conditions, un départ au dessus de ses moyens vous flingue les cuisses en un rien de temps. La journée s’annonce belle. Traversant une forêt de châtaigniers, une légère Bise en fait chanter une végétation qui commence à prendre sa robe d'automne.

       Rejoindre Prunet se fait sur une route fraîchement refaite. Prudence cette fois pour ne pas se retrouver au sol, d’autant que le passage des voitures a emmoulonné * des tas de graviers de part et d’autre des virages. Nous laissons à main gauche le village de Largentière pour prendre la direction du col du Suchet.

       Parenthèse : À propos de cols  : Il semblerait que depuis une vingtaine d’années, dans cette région, mais ailleurs également, les décideurs de l’appellation aient eu envie d’en baptiser des sommets jusque là anonymes. Pour ma part, j’en découvre les panneaux alors que je fréquente les routes du sud depuis des décennies !

     Je me risque à penser, d’autant que ces nouveaux nés se trouvent sur des routes aujourd’hui largement empruntées par les cyclistes, qu’il s’agit là d’une campagne de marketing visant à flatter l’égo des pratiquants de la petite reine !

     Par ailleurs, dans une démarche semblant vouloir rejoindre celle citée ci-dessus, il a été fait du Meyrand le col le plus long de l'Ardéchoise. J’ai lu dans une revue spécialisée, que l’un de ses rédacteurs le signale comme débutant à partir du croisement de la D 203 avec la D 24. Les Ardéchois, dont je suis, vous diront que le départ du col se situe au pied de Valgorge, soit 12 kilomètres plus haut que le croisement indiqué ci-dessus !

        À vrai dire rien ne me gène dans tout cela si ce n’est qu'il éveille mon esprit taquin !

 

Ardèche à vélo 15.07.2011.

 

                             La Croix de Rocles et son raidillon passés, sont les signes que nous sommes dans la direction voulue. La descente vers l’intersection de la route qui monte de Joyeuse nous dépose dans la vallée de la Beaume.

     Changement de vallée, changement d’air. Celui qui à présent nous caresse le visage descend du Tanargue, qui soit dit en passant est le plus haut plateau d'Ardèche avec ses 1450 mètres en moyenne et un sommet à 1511 mètres sur la commune de Borne. Il promène avec lui, au-delà des senteurs de genet et de bruyère, la mémoire d’un passé vers lequel je ne me lasse pas de vouloir revisiter.

      Je me surprends à cet instant du commentaire à vouloir ramener mon propos seulement à mon Ardéchoise à moi, alors que je suis gentiment accompagné de mon ami.

       Si Rémy et moi allons dans la même direction et roulons côte à côte, discrètement je suis ailleurs. En effet, parallèlement à l’objectif qui se veut commun, mes pensées et mon esprit sont sur d’autres regards.

      Pour Rémy, il s’agit avant tout d’aller vers le plaisir de la découverte. Pour des raisons qui me sont personnelles, ce parcours porte pour moi et en lui, une dimension supplémentaire à celui de la balade ordinaire. Je suis, aujourd’hui, et ce depuis des décennies maintenant, dans la direction d’une rencontre dont j’éprouve naturellement le besoin. Loin cependant du rituel ou du chemin de Croix, sur cette route, je sais être en marche pour un rendez-vous d’une nature particulière.

 

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                            Mon Ardéchoise à moi se transforme en pèlerinage quand j’opte pour le circuit qui passe par Loubaresse. Au-delà du plaisir à randonner sur des routes remplies du souvenir de mes estives et plus tard de celui de vacances passées à Chastanet, je sais aller vers des retrouvailles. De celles habitées par le mystère, qui au-delà de toute rationalité, m’entraînent à me croire guidé, accompagné par un souffle venant de la montagne sur laquelle mon père a vécu enfant.

       Oui, je me sens tout autre à l’idée de rouler sur ce qui était le sentier que ses pas ont foulé en 1917, lors de son exode vers la vallée du Rhône. Il n’y a pas de nostalgie, pas de tristesse dans cette démarche qui consiste à vouloir me retrouver, à vouloir nous retrouver par le biais de cette voie que d’autre appelle les souvenirs. Je suis aujourd’hui sur un chemin que ma mémoire s’applique à raviver pour qu'elle garde en elle le récit de ses propos dont je reste le confident. Je suis en communion avec son histoire, avec la misère que la guerre lui a fait subir infligé. Enfant qu'il était alors, il a du partir à pied, seul, à la recherche de l’hospitalité qu’il croyait pouvoir trouver à des mois et des mois de marche de son village natal. J’éprouve comme un besoin, dans un silence qui ne m’est pas coutumier, sentir aller en direction du Tanargue, sa montagne. Celle, qui à chacun des tours de roue de mon vélo, me rapproche de lui. **

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           Depuis le changement de vallée, la route nous fait progresser sur un dénivelé qui reste celui d’un faux plat montant. De part et d’autre de la Beaume des habitations ont été réhabilitées ainsi qu'une ancienne filature qui expose une façade en pierres apparentes. Un peu en amont de tout cela, une passerelle dessert des maisons alors que le tablier du pont qui en permettait l’accès reste en partie détruit par une crue ancienne.

 

Rando du 17 aout2012 avec Rémy . Passerelle sur la Bourne

 

                De l’autre côté de la rivière, Chastanet et son château qui dans les années quarante hébergea Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre s’aperçoivent à travers les châtaigniers.

     Valgorge sonne le début de la vraie ascension du plateau du Tanargue. Nous sommes là dans le vif du sujet. Au loin, mais à vue d’œil, un mamelon sur lequel à présent figurent plusieurs bâtisses neuves annonce le contour de Loubaresse.

 

Le-mamelon-qui-annonce-Loubaresse-jpg

 

                Je dis bien annonce, car bien que semblant la toucher du doigt, y faire son entrée doit se gagner à la pédale. La moyenne de la pente qui ne dépasse pourtant jamais les 6 %, n’en rend pas moins usante l’arrivée sur le village. Le terrain est à découvert depuis quelques kilomètres déjà et le soleil de midi tapant fort sur un goudron fondant, en fait remonter une chaleur suffocante.

             À Loubaresse, comme prévu nous sommes accueillis au Pégan, chez le cousin, qui fier de son appellation bistrot de village, nous propose un menu de nature à nous recharger en énergie. Ce repos programmé, ainsi que la restauration qui l’accompagna furent les bienvenus.

 

 Rando du 17 aout2012 avec Rémy . Cimetière de Loubaresse



            À hauteur de la placette du cimetière, à quelques centaines de mètres après avoir quitté le restaurant de Jean François Merle, le Meyrand laisse voir les lacets qui conduisent au terme de sa bascule. Un dernier coup de cul à 8 % annonce l’achèvement du dernier gros obstacle de la journée. Je croyais savoir, à partir de là, tenir le manche du bon côté de la cognée …. mais…...                            

           J’entends les puristes dire que nous avons mutilé cette fameuse montée rendue, par flatterie, le plus long col de l'Ardéchoise par un subterfuge de circonstance. Au diable les nouvelles règles en la matière et puis au sommet du Meyrand il n’y a ni buvette, ni resto!

          Les courants thermiques s’y prêtant, nombres de parapentistes jouent de leur aile pour faire des arabesques au dessus du belvédère. Pour ce qui me concerne, un moment de pause est mis à profit pour escalader le rocher qui surplombe la table d’orientation. Modeste, mais ancien pratiquant de varappe, j’ai gardé en moi la marotte de vouloir grimper du rocher s’il me reste accessible. Du haut de ce petit promontoire ma récompense fut, pour une fois, de pouvoir y bien distinguer le…..Mont-Ventoux.

         Le hameau du Chambon est en sieste. Il aligne depuis des siècles quelques maisons redevenues fringantes suite à leur restauration. La descente du Meyrand touche à sa fin en venant couper la route qui arrive de Saint-Etienne-de-Lugdarès pour aller en direction de La Souche.

          La route est large, certes belle, mais elle monte au-delà de ce que ma mémoire en avait retenu. Pour finir, trois kilomètres entre 8 et 10% à la vue du braquet utilisé, plus un cagnard à vous rôtir les cuisses ont bien failli avoir raison de nous.

          La Croix de Bauzon, discret monument posé là depuis la nuit des temps que la Burle est arrivée à ébranler, signe notre billet pour la dernière et longue descente vers Jaujac via La Souche.

 

 Rando du 17 aout2012 avec Rémy . L 027

 

                        Au-delà des souvenirs liés à mon Père, cette région fait également remonter en moi un passé qui m’est cher. Une halte au détour du onzième virage et, comme je le fais à chacun de mes passages, je fixe d’un coup d’œil la ferme de Chevalet où durant plusieurs étés j’y fus vacher chez le Dolphou et l’Antonia. Où pendant les trois mois de l'estive, ils m’apprirent, l’un et l’autre, à devenir un petit berger, un pécheur de truites, à traire les vaches et les chèvres. Quelles garces font les chèvres ! Puis à battre le beurre, à mouler les tomes, à reconnaître les bons champignons, à cueillir les framboises et les myrtilles, et encore, encore. À Chevalet j’ai appris......, j’ai appris à grandir.

 

                                                                    Point de vue…….

 

              Pour ce qui me concerne, et si j’ai participé une multitude de fois à Velay-Vivarais au départ du Puy, ce qui relooké est devenue l'Ardéchoise, je ne suis pas adepte de son édition moderne. Sans doute suis-je devenu trop vieux……jeu.

           À cette époque, rendu sur place la veille afin d’être à pied d’œuvre pour les premiers départs donnés au milieu de la nuit, le cyclotourisme portait au cœur de son appellation le sens et les valeurs de sa pratique.

       Pour ma part, je reste attaché aux souvenirs de la nuit passée à discuter avec ceux venant d’ailleurs. À essayer de dormir dans l’immense dortoir du lycée catholique de la ville prêté pour la circonstance au club cyclotouriste organisateur. Aux souvenirs du départ à trois heures du matin après que les responsables aient veillé au bon fonctionnement du système d’éclairage qui devait équiper notre vélo. Aux souvenirs d’une randonnée frôlant les 200 kilomètres à effectuer sur la journée, en autonomie presque totale, à l’exception d’un ravitaillement pour ce qui remonte aux premières éditions. Aux souvenirs des cyclos équipés en 650 de chez Routens, Herse, Berthoud, Lapierre, Valèro et autres constructeurs français.

 

Photo du net

 

              J’en suis resté aux souvenirs des villages et hameaux de montagne traversés dans le silence de la nuit, aujourd’hui saucissonnés de toute part de guirlandes et de rubans aux couleurs attirasses. J’en suis resté au souvenir de celui qui, en vous rattrapant, vous saluait gentiment, vous invitant même à lui prendre la roue, histoire de partager un bout de route avec lui.

     Mes objectifs de vieux cyclo ont glissé vers des ailleurs qui ne trouvent plus raison dans les grandes kermesses. Près de 13000 engagés lors de la dernière édition de l’Ardéchoise ***.

       À chacun son Ardéchoise. Le bonheur de pédaler ne pouvant se trouver que dans l’état d’esprit qui en anime la démarche et dans le choix que l’on fait de sa route, vous comprendrez que……

 

       * Emmoulonné : Mis en tas     

        **Histoire racontée dans: J'ai rêvé mon Père, dont je suis l'auteur, paru aux éditions de l'Ephémère. 

        *** Le cycle : numéro 426

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